Solukhumbu 2022- Le journal d'une marcheuse

• déc. 16, 2022

Venus  des Pyrénées, de Vendée, de Savoie, de la région parisienne, du Périgord, de Bretagne, d'Occitanie et des hautes Alpes, dix marcheuses et marcheurs sont venus  gravir les pentes népalaises en direction de l'Everest.

Trois marcheuses ont leur conjoint dans le groupe des coureurs.

Durant le périple, sur certaines étapes, nous étions accompagnés par Justine (médecin urgentiste), Nicolas (kinésithérapeute) ainsi que par Laurent (serre-file, secouriste et membre du comité d’organisation). Leur présence était rassurante.

Premier mal aigu des montagnes

La première étape de 29 km et de 11 heures de marche avec un dénivelé positif de 1250m s’est avérée très difficile dès l’altitude de 3500 m pour deux participants.

Une marcheuse a déclenché un MAM (Mal Aigu des Montagnes) avec des signes avant-coureurs d’un œdème cérébrale. Justine, notre médecin a immédiatement mis en place une évacuation d’urgence.

Un autre marcheur très fatigué après cette première journée redescendra à une altitude raisonnable de 2900m.

Ces deux marcheurs rejoindront le groupe une fois la forme retrouvée en suivant le chemin de fond de vallée.

Mention spéciale aux deux jeunes coureurs népalais (dont le futur vainqueur) qui sont venus le premier soir, dans la nuit et le froid, à la rencontre des marcheurs avec un thé chaud !

Après cette première étape qui a marqué les esprits, y compris chez les coureurs, les jours suivants seront plus « cool ». La journée du lendemain démarre avec l’ascension groupée en mode « marche » du Pikey peak, d’où sera donné le départ de la course. Il fait beau, c’est un moment de partage apprécié par tous. Une fois les coureurs partis, les marcheurs profitent de cette étape plus courte pour récupérer.

La journée type des marcheurs

Le départ se fait en général une heure avant les coureurs. Les traileurs les moins rapides prennent le départ avec nous. Ces derniers prennent vite les devants et les marcheurs se retrouvent en petit comité accompagnés d’un ou deux guides népalais. Il y a presque toujours une pause thé le matin puis une pause déjeuner. C’est en général un délicieux bol de bouillon aux vermicelles pris dans un lodge sur le parcours. Les guides ont leur habitude ! Les marcheurs prennent le temps de se connaître et même de faire une vidéo humoristique sur le MAM et une chanson pour Dawa : la « tribu de Dawa » sur l’air de « la tribu de Dana » de Manau.

Les marcheurs ont fait presque le même parcours que les coureurs et pratiquement la même distance mais avec un peu moins de dénivelé positif. Il y a eu deux variantes pour lesquelles certains coureurs dits « plus lents » les ont accompagnés.

Un moment fort de communion

La première variante est celle de SaharsBeni/Dudh Kund Lake en fin de première semaine dite d’acclimatation. La séparation avec les coureurs se fera après la randonnée groupée jusqu’au au lac sacré de Dudh Kund.

A l’approche des rives du lac, nous avons vécu tous ensemble un moment fort de communion et d’émotion après l’étape difficile de la vieille et la nuit sous tente par -10°.  Dawa, avec un discours très solennel, a expliqué l'importance de ce lac pour lui et sa famille. Son père, à cet endroit précis, a fait le vœu d'avoir sept fils avec sa deuxième épouse (la maman de Dawa) alors qu’il n’a eu que des filles avec sa première épouse décédée (la tante de Dawa). Dawa y a fait son vœu de découvrir le monde, de s'y faire des amis et de rester en bonne santé.



                                Dawa nous invite à finir l'ascension et à profiter du lac en silence et à faire nous aussi nos vœux

La haute montagne

Les jours suivants, les coureurs les plus rapides et aguerris feront un itinéraire de haute montagne par Luja avec de gros dénivelés positifs et négatifs. Ils passeront deux nuits de plus que nous sous tente pour rejoindre Phakding en deux jours. Les autres coureurs et tous les marcheurs passeront par Taksindu et rejoindront Phadking en 3 jours. La course reprendra à Phakding.

Nous partons du lac sacré sous une haie d’honneur initiée par les coureurs pour rejoindre Taksindu. Le groupe est composé d’une vingtaine de personnes. La descente sera longue. Il est tard, la nuit est tombée et l’arrivée au lodge de Foba (l’un de nos guides) se fait à la frontale.

Les trois jours pour rejoindre Phakding sont très agréables. Nous sommes sur « l’autoroute de l’Everest » et nous croisons beaucoup de caravanes de mules, de yaks ainsi que des groupes de marcheurs et/ou alpinistes.

Les retrouvailles à Phakding avec les coureurs sont chaleureuses dans une petite ville très agréable où nous avons « quartier libre » pour une après-midi de détente et de repos.

C’est ainsi que se termine la première semaine de trek et d’acclimatation.

Le point culminant fait peur

Le lendemain, nous attaquons la deuxième semaine qui nous mènera aux points culminants du trail : le Rinjo pass. C’est un col à l’altitude de 5300M puis, l’ascension du Kala Patthar (la montagne noir). Mais avant, se sera l’entrée dans le parc national de l’Everest, le Sagarmatha park.

Pour les marcheurs, qui ont eu une acclimatation parfaite, le passage avec Justine et Nicolas se fera lentement mais sûrement. Le souffle court dans les 300 derniers mètres. On sent bien qu’on ne peut pas faire autre chose que mettre un pied devant l’autre, même pour dire un mot ou boire une gorgée d’eau, il vaut mieux s’arrêter. Ce sera la fête au Renjo pass où Christophe (le photographe), Nathanaël (le vidéaste) et Alex (notre second médecin urgentiste) nous attendent.

Ce sont des embrassades, des larmes et plein de photos pour immortaliser ce moment.

Au briefing de Gokyo, Dawa nous annonce que tous les participants ne pourront pas gravir le Kala Pathar. Il le déconseille aux marcheurs, même s’il nous laisse libre de choisir de le faire. C’est un peu la douche froide ! Certains coureurs renoncent aussi au Kala Pathar et vont nous rejoindre pour poursuivre notre marche. Le seuil des 5500 m, celui du passage vers la très haute altitude, peut générer de l’anxiété voire de l’angoisse.  Nous serons donc un nouveau groupe de 9 marcheurs à prendre une variante.

Frustration et renoncement

Nous nous retrouverons donc dans trois jours à Namche Bazar. Au cours de cette journée, une coureuse prise d’un MAM sévère (elle s’est évanouie dans les bras de Laurent, notre serre file secouriste) sera évacuée en hélicoptère à l’hôpital de Katmandhu pour y suivre des examens.

Heureusement, elle récupérera et pourra nous rejoindre pour les derniers jours à Chhulemo.

Une seconde participante a aussi dû renoncer lors de cette terrible étape en raison de l’apparition d’un œdème cérébrale. Prise en charge à temps par Laurent (aux aguets) puis par Justine (médecin) qui était avec nous, elle devra très vite elle aussi redescendre. On la retrouvera en pleine forme avec son mari trois jours plus tard à Namche Bazar.

Certains marcheurs sont un peu frustrés de ne pas faire le Kala Patthar (sommet de 5545 m qui domine le glacier du Khumbu et le camp de base de l’Everest) et surtout de ne pas avoir été préparé à cette éventualité.

Heureusement, il y a un super groupe de marcheurs pour digérer cela ! et il s’avèrera que cette décision était justifiée. Beaucoup de coureurs vont souffrir sur le passage du Cho La Pass (5420m) et aussi, lors de l’ascension du Kala Patthar.

Solidarité

La solidarité au sein des marcheurs rend cette aventure très agréable. Tous nos guides népalais sont adorables et nous font profiter des paysages, de la flore, des animaux et oiseaux mais aussi des femmes, des hommes, des moines que nous croiserons. Par exemple, Larcen et Jemba nous ferons partager le thé avec une mamie népalaise dans une bergerie perdue dans la montagne entre Jumbesi et Sahars Beni. Foba choisira la plus belle des options à la place du Kala Pathar en nous faisons séjourner à Tengboche (site extraordinaire avec une vue à 360°sur notamment l'Everest, le Lhotse et l'Ama Dablam) et passer du temps avec les moines du monastère. Tengboche sera le Kala Patthar des marcheurs !

Les retrouvailles

Revoir les coureurs à Namche Bazar fût un moment fort. Nous logeons dans un hôtel très confortable pour le plus grand bonheur de tous situé au centre même de ce très beau village.

Dernière ligne droite

Le lendemain, la course repart pour les derniers jours qui doivent permettre de rejoindre Chhulemo et Taksindu. Les marcheurs vont faire en sens inverse un chemin déjà emprunté à l'aller dans le sens Taksindu - Namche Bazar. Le franchissement d’un passage délicat (que Dawa a sécurisé avec des guides) se fera sans problème pour tous les marcheurs. Nous avons plaisir à refaire ce chemin au milieu des cultures. Depuis notre dernier passage, la récolte du millet a débuté.

Chez l’habitant

Nous sommes à Chhulemo, c’est le village natal de Dawa. Nous serons logés chez l’habitant. Avec mon époux et accompagnés de deux coureurs, nous serons hébergés chez la demi-sœur de Dawa. Des gens adorables qui ont cinq enfants (2 fils et 3 filles). Ils hébergent leur petit-fils qui va à l'Ecole à Nunthala (petit village à une distance d’environ 5 km)

Celui-ci parle un peu anglais et cela permet de communiquer. On passe un bon moment autour du feu à échanger. Le grand-père à un smartphone et nous prenons des photos. La maison est grande avec 2 étages. En bas, c’est une sorte de dortoir avec des banquettes tout autour de la pièce et des couettes dans tous les placards (l’hiver doit y être rude !). La pièce à vivre avec la cheminée est à l’étage. Il y a tout le matériel de cuisine. Un petit coin pour la toilette et encore quelques banquettes. La vaisselle en inox est bien rangée dans ce qui ressemble à un vaisselier. Pour l’avoir fait remarquer à Dawa, il m’a dit que c’était toute leur richesse. La demi-sœur de Dawa s’appelle Pasi Sherpa, son mari Sharkey Sherpa et leur petit-fils Pasang Tamang.

Nous avons tous été très bien reçus et on remercie les habitants de Chhulemo pour leur accueil.

La fête

Le lendemain, c’est jour de fête au pensionnat (école-internat) de Chhulemo créé grâce à l’association de Dawa.

Au programme :

  • La course des jeunes espoirs népalais, auxquels se mélangent quelques coureurs français, puis la course des plus petits. Ils sont tous très motivés et chacun recevra une médaille et un tee-shirt.
  • Les danses traditionnelles en costumes
  • Les petits discours en anglais faits par des enfants.
  • La présentation par Dawa des responsables du pensionnat  
  • La présentation par Laurent des actions en cours et des projets à venir de l’association « Parrains et Marraines pour le Népal »
  • Le cérémonial de remise auprès des jeunes de leurs enveloppes de parrainage pour leurs études. Chaque jeune pose à l’issue de cette remise, sa signature dans un registre.

On finit tous cette belle matinée sur le terrain de jeux qui s’est transformé en une piste de danse. Il y a une belle communion avec les enfants qui s'amusent à faire des confettis avec les œillets. La chanson phare du séjour fait toujours son effet : RESHAM FIRIRI ! Mais vient le moment de la séparation car nous devons rejoindre Taksindu situé à 2kms. Certes, ce n’est pas long, mais l’envie de partir n’est pas au rendez-vous !

Renards, tigres, ours, aigles

Le lendemain matin à 6h, nous sommes conviés pour une cérémonie au monastère où Dawa a passé une partie de son enfance. Celle située entre ses 7 et 15 ans. La cérémonie dure environ une heure. Nous y sommes bien, c'est chaleureux.

Nous poursuivons avec la visite du poulailler mis en place par l'association de Dawa pour l'autonomie en œufs du centre pour les personnes âgées et aussi des villageois.


Le poulailler est installé sur un grand terrain au milieu d’une forêt de rhododendrons distant d’un kilomètre du village. L'entrée est protégée par une muraille en taules pour éviter l'entrée des renards, tigres et ours...Des filets vont également être installés pour éviter l'attaque des aigles.

On passe un bon moment au soleil au milieu des poules. Le poulailler n'est pas encore rentable. Les connaisseurs disent que les poules manquent de protéines ! Souhaitons bonne chance à ce projet car de gros investissements ont déjà été faits.

Retour au village pour la visite de la maison des anciens et le déjeuner. Les bâtiments sont impressionnants. Un sacré boulot a été fait par l’association à la suite du terrible tremblement de terre de 2015.  Le chantier est toujours en cours. Certains participants du trail vont d’ailleurs revenir à Taksindu en tant que bénévoles et travailleront sur ce lieu.

Le final

Après ces deux journées à se reposer et profiter de Chhulemo et de Taksindu, c’est le final, la toute dernière étape. Nos deux malades du premier jour partent en premier.

Les marcheurs arrivent à Phaphu groupé avec Foba et accueillis par des enfants et la fanfare locale. Il fait grand beau, le déjeuner est pris sur l'herbe avec les coureurs avant une soirée mémorable au lodge.

Nous sommes serrés comme des sardines autour du poêle. La bière coule à flot le rhum local est lui aussi de sorti. On fête un dernier anniversaire.  C’est à nouveau un beau gâteau à la crème, sorti toujours d’on ne sait où, qui régalera le groupe.

L’annonce des résultats définitifs prendra un temps inouï car chacun est fêté comme il se doit. C’est Rabi, un jeune népalais de 19ans qui gagne en 30H.  Le classement est du sur-mesure : Le doyen, qui ne voulait pas finir dernier … ne sera pas dernier. C’est mon cher et tendre qui sera déclaré officiellement dernier en 77H sous les acclamations du groupe.

Dawa remet aux guides, ouvreurs, porteurs et ramasseurs de rubalises les enveloppes contenant leur prime. Ils sont tous applaudis dans ambiance de folie. 

Nous les marcheurs avons particulièrement pu apprécier Foba, Nima, Jemba, et Larcen (le pauvre, avec sa rage de dents qu’on a essayé de soigner, en vain). 

Foba amène une guitare à Nicolas (notre kiné) se lâche sur Queen et Bowie.

On démarre un « paquito » (terme issu du basque qui consiste à porter à bout de bras des participants). C’est la grosse foire.

Kathmandu

A Katmandhu pour la cérémonie de clôture et la fête sera belle avec la remise des diplômes à tous, y compris les marcheurs. La chanson « la tribu de Dawa » fera son petit effet avec un Nicolas au top au chant et à la guitare.

Le lendemain sera jour de départ, sauf pour les sept bénévoles et volontaires, qui vont retourner à Taksindu pour entamer les missions qui leur sont confiées : Tous nos encouragements à eux, notamment pour la journée de 4X4 qui les attend pour le retour à Taksindu : une aventure dans l’aventure de l’avis général !

                                                                                  Merci à Sonia (en haut à gauche sur la photo) pour le partage de son témoignage.

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